Chroniques d’un couvreur : Histoires perchées sur les toits
Chroniques d’un couvreur : Histoires perchées sur les toits
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Travailler sur un toit, c’est comme être suspendu entre ciel et terre. Chaque jour, une nouvelle aventure, un nouvel obstacle à surmonter. Mais au-delà du danger et de la technique, il y a ces petites histoires qui marquent une carrière, celles qu’on raconte entre collègues, un café à la main, avant de grimper sur l’échelle.
Le baptême du vide
La première fois qu’on met un pied sur une toiture, on pense qu’on est prêt. On a suivi les formations, on connaît les gestes de sécurité, on a vu les autres faire. Mais tout change quand on se retrouve à plusieurs mètres du sol, avec seulement un harnais et une planche sous les pieds.
J’ai vu plus d’un apprenti se figer en montant sur ses premiers ardoises. L’un d’eux, Paul, un grand gaillard pourtant sûr de lui, a eu ce moment de panique. « Je peux pas bouger, les gars. » On l’a rassuré, on lui a expliqué comment respirer, comment regarder devant lui et non en bas. Après quelques minutes, il a repris son calme et s’est mis au travail.
Quelques mois plus tard, c’était lui qui rassurait les nouveaux. « T’inquiète, ça passera, » disait-il avec un sourire en coin.
Le client qui ne voulait pas de bruit
Être couvreur, c’est aussi gérer des demandes insolites. Un jour, on intervient sur un toit en pleine ville. Un travail de rénovation classique, sauf que la propriétaire vient nous voir avec une requête inattendue :
— « Vous pouvez travailler sans faire trop de bruit ? Mon chat est très sensible. »
Travailler sans bruit ? Avec des marteaux, des clous, des tuiles à découper ? On a promis de faire au mieux, mais après quelques minutes à taper sur les tuiles, la dame est sortie en panique :
— « Il est stressé, il s’est caché sous le lit ! »
Difficile de lui expliquer qu’un chantier de toiture, ce n’est pas une séance de méditation. Finalement, elle a pris son chat et est partie chez une amie pour la journée. Nous, on a pu finir le boulot sans devoir marcher sur la pointe des pieds.
Quand la météo décide pour nous
Si le métier nous apprend une chose, c’est qu’il faut toujours respecter la météo. Un jour, on refaisait une couverture en zinc sur une maison en bord de mer. Beau soleil, pas un nuage en vue. Et pourtant, en moins de dix minutes, le ciel s’est transformé en une masse noire menaçante.
Le vent s’est levé d’un coup, soufflant si fort qu’on avait du mal à tenir en équilibre. Pas le choix, il fallait descendre immédiatement. Mais à peine avions-nous touché le sol que des grêlons gros comme des balles de golf se sont mis à tomber.
On a regardé la scène depuis la voiture, un peu sonnés par la vitesse du changement. En une demi-heure, tout était terminé. Un ciel bleu était revenu, comme si rien ne s’était passé. Sauf que notre chantier, lui, avait pris un sacré retard.
La maison hantée
Certains chantiers ont une ambiance un peu… spéciale. Un jour, on devait refaire la toiture d’une vieille bâtisse abandonnée, un ancien presbytère que de nouveaux propriétaires venaient d’acheter. Dès le premier jour, un de mes collègues n’était pas à l’aise.
— « J’sais pas, j’ai un mauvais pressentiment. »
On s’est moqué de lui, bien sûr. Mais en fin de journée, alors qu’on rangeait nos outils, une énorme bourrasque a claqué une fenêtre à l’intérieur de la maison. Rien d’extraordinaire, sauf qu’aucune fenêtre n’était censée être ouverte…
Le lendemain matin, un des nouveaux propriétaires nous a raconté que plusieurs ouvriers avaient refusé de travailler sur la maison dans le passé. « Ils disaient qu’ils entendaient des bruits la nuit. »
On n’a jamais su ce qu’il en était vraiment, mais je peux vous dire qu’on a terminé ce chantier plus vite que prévu…
Les tuiles récalcitrantes
Sur certains toits, les matériaux semblent avoir une volonté propre. Un jour, on bossait sur une charpente ancienne où il fallait tout démonter et remplacer. Jusque-là, rien d’anormal. Mais au moment de retirer les vieilles tuiles, elles refusaient de bouger.
On a tout essayé : levier, marteau, pied-de-biche… Rien à faire. Après quelques tentatives infructueuses, mon collègue a plaisanté :
— « Elles veulent pas partir, elles ont trop de souvenirs ici. »
Finalement, on a compris que le problème venait d’une couche de ciment appliquée à la va-vite, sans respecter les bonnes techniques. Il nous a fallu une journée entière juste pour les dégager.
Conclusion
Le métier de couvreur toiture, ce n’est pas seulement poser des tuiles ou réparer des fuites. C’est vivre des histoires improbables, apprendre à jongler avec la météo, faire face aux peurs et aux imprévus.
Mais au-delà de tout ça, il y a un plaisir unique : celui de voir le monde d’en haut, avec une perspective que peu de gens connaissent. Parce qu’au fond, ce n’est pas juste un métier, c’est une aventure quotidienne, une leçon de patience et d’équilibre.
Et même si chaque jour est un défi, une chose est sûre : on ne s’ennuie jamais sur un toit.
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